Poèmes, chansons, sketchs
Fantaisie
J'suis snob
J'suis snob... J'suis snob
C'est vraiment l'seul défaut que j'gobe
Ça demande des mois d'turbin
C'est une vie de galérien
Mais lorsque je sors à son bras
Je suis fier du résultat
J'suis snob...
Foutrement snob
Tous mes amis le sont
On est snobs et c'est bon
Chemises d'organdi, chaussures de zébu
Cravate d'Italie et méchant complet vermoulu
Un rubis au doigt... de pied, pas çui-là
Les ongles tout noirs et un très joli p'tit mouchoir
J'vais au cinéma voir des films suédois
Et j'entre au bistro pour boire du whisky à gogo
J'ai pas mal au foie, personne fait plus ça
J'ai un ulcère, c'est moins banal et plus cher
J'suis snob... J'suis snob
J'm'appelle Patrick, mais on dit Bob
Je fais du ch'val tous les matins
Car j'ador' l'odeur du crottin
Je ne fréquente que des baronnes
Aux noms comme des trombones
J'suis snob... Excessivement snob
On se réunit avec les amis
Tous les vendredis, pour faire des snobisme-parties
Il y a du coca, on déteste ça
Et du camembert qu'on mange à la petite cuiller
Mon appartement est vraiment charmant
J'me chauffe au diamant, on n'peut rien rêver d'plus fumant
J'avais la télé, mais ça m'ennuyait
Je l'ai r'tournée... d'l'aut' côté c'est passionnant
J'suis snob... J'suis snob
J'suis ravagé par ce microbe
J'ai des accidents en Jaguar
Je passe le mois d'aout au plumard
C'est dans les p'tits détails comme ça
Que l'on est snob ou pas
J'suis snob...
Encor plus snob que tout à l'heure
Et quand je serai mort J'veux un suaire de chez Dior !
Boris Vian 1955

Complainte du Petit Cheval Blanc
Le petit cheval dans le mauvais temps, qu'il avait donc du courage !
C'était un petit cheval blanc, tous derrière et lui devant.
Il n'y avait jamais de beau temps dans ce pauvre paysage.
Il n'y avait jamais de printemps, ni derrière ni devant.
Mais toujours il était content, menant les gars du village,
A travers la pluie noire des champs, tous derrière et lui devant.
Sa voiture allait poursuivant sa belle petite queue sauvage.
C'est alors qu'il était content, eux derrière et lui devant.
Mais un jour, dans le mauvais temps, un jour qu'il était si sage,
Il est mort par un éclair blanc, tous derrière et lui devant.
Il est mort sans voir le beau temps, qu'il avait donc du courage !
Il est mort sans voir le printemps ni derrière ni devant.
Paul FORT 1872-1960

Voyelles voletez !
Voyelles voletez vers vos divins phonèmes,
Voguez, vibrez, valsez,
Félicité suprême,
Invitez l’émotion, vivez l’ivresse extrême,
Écrivez, inventez le plus tendre poème
Vous lui révélerez, doucement, que je l’aime.

En sortant de l'école
En sortant de l'école nous avons rencontré
un grand chemin de fer
qui nous a emmenés
tout autour de la terre
dans un wagon doré
Tout autour de la terre
nous avons rencontré
la mer qui se promenait
avec tous ses coquillages
ses îles parfumées
et puis ses beaux naufrages
et ses saumons fumés
Au-dessus de la mer
nous avons rencontré
la lune et les étoiles
sur un bateau à voiles
partant pour le Japon
et les trois mousquetaires
des cinq doigts de la main
tournant ma manivelle
d'un petit sous-marin
plongeant au fond des mers
pour chercher des oursins
Revenant sur la terre
nous avons rencontré
sur la voie de chemin de fer
une maison qui fuyait fuyait
tout autour de la Terre
fuyait tout autour de la mer
fuyait devant l'hiver
qui voulait l'attraper
Mais nous sur notre chemin de fer
on s'est mis à rouler rouler
derrière l'hiver
et on l'a écrasé
et la maison s'est arrêtée
et le printemps nous a salués
C'était lui le garde-barrière
et il nous a bien remerciés
et toutes les fleurs de toute la terre
soudain se sont mises à pousser
pousser à tort et à travers
sur la voie du chemin de fer
qui ne voulait plus avancer
de peur de les abîmer
Alors on est revenu à pied
à pied tout autour de la terre
à pied tout autour de la mer
tout autour du soleil
de la lune et des étoiles
A pied à cheval en voiture
et en bateau à voiles.
Jacques Prévert (1900 – 1977)

Je joue aux dés
Je joue aux dés, c’est décidé ! Dites donc aux gens de gentiment jouer aux dés, tous les dimanches, au lieu de rouler !
Sur la route, sur la route, c’est la déroute ! Regardez-les, démarrer et foncer vers la marée ! Tous avancent dans le brouillard et seul s’en sort le débrouillard.
Quand devant roule un tracteur, écoutez donc les détracteurs !
Alors on s’arrête au restaurant ! On mange, on mange, mais bientôt, ça démange : après la confiture, quelle déconfiture ! On boit un apéritif, un digestif. Boire, boire, juste avant les déboires ! Ivre, c’est la honte au logis, loin de toute déontologie ! Le restaurateur, lui, ne peut se permettre de défaillance pour payer ses assiettes en faïence et pour acheter à découvert ses beaux couverts.
Certains décompressent le dimanche : l’infirmière oublie les compresses. Elle qui panse, qui panse toute la semaine, le dimanche, elle dépense. Elle ne va plus penser à la piqure, mais à la pensée d’Épicure. Ou alors elle pense aux gens qui ont du pot quand on voit bien leurs veines et aux malheureux qui ont des dépôts dans les veines, c’est ça la déveine ! Le démarcheur, quant à lui, pour se défouler, devient marcheur dans la foulée ! Sur la chaussée, pieds déchaussés, il va marcher. Non, suer n‘est pas désuet !
D’autres travaillent le dimanche, quand la route est bouchée. C’est le cas de mon boucher qui va chercher des débouchés.
La jeune artiste allait chanter, elle, si belle, sous les décibels. Dans les bouchons, désenchantée, sans la cadence, c’est la décadence et sous la pression, la dépression ! Bien vite elle va déchanter !
Le dimanche, c’est l’occasion pour le cambrioleur d’aller voler, de...
Qui a dit : de « décambrioler » ? ...
Je vois, vous avez bien compris... Mais c’est raté ! Comme un dératé, je vais terminer, bien déterminé.
Donc, le dimanche le voleur dérobe des robes rayées et des pas rayées et des corsages dépareillés. Il dévalise des valises, valises foncées qu’il vient de défoncer !
Mais attention, après la tentation, la tension mène à la détention ! Voler un lit reste un délit !
Je parle, je parle et je n’ai pas vu le temps passer. Avant de jouer aux dés je vais aller pêcher, je dois me dépêcher. Allez, en route !
Mais sur la route, sur la route, c’est la déroute...
(Rideau)
... Je viens de tester ce sketch devant vous, mais dites-moi, allez-vous le détester ?
(Rideau)
© Dominique Fache 2008. © Dominique Marcel Fache 2008
Découvrez mon recueil « Clins d’émotion »

L'horoscope (sketch)
Je ne sais pas si vous lisez l'horoscope... moi, je le consulte tous les matins. Il y a huit jours... je vois dans mon horoscope : « Discussion et brouille dans votre ménage. » ...
Je vais voir ma femme. Je lui dis : « Qu'est-ce que je t'ai fait ? », « Rien ! », « Alors... pourquoi discutes-tu ? ». Depuis, on est brouillé !
Ce matin, je lis dans mon horoscope : « Risques d'accidents ». Alors, toute la journée, au volant de ma voiture, j'étais comme ça... à surveiller à droite... à gauche... rien ! Rien !... Je me dis : « Je me suis peut-être trompé ». Le temps de vérifier dans le journal qui était sur la banquette de ma voiture... Paf ! ... ça y était ! Le conducteur est descendu... II m'a dit : « Vous auriez pu m'éviter ! », « Pas du tout, c'était prévu ! »,« Comment ça ? », « L'accident est déjà dans le journal ! »,«Notre accident est déjà dans le journal ? », « Le vôtre, je ne sais pas ! Mais le mien y est ! »,«Le vôtre, c'est le mien ! », « Oh !... Eh !... une seconde !... Vous êtes né sous quel signe, vous ?», « Balance ! », « Balance ? » Je regarde Balance ! Je dis : « Ah ben non ! Vous n'avez pas d'accident !... Vous êtes dans votre tort mon vieux ! ».
Il y a un agent qui est arrivé... il m'a dit : « Vous n'avez pas vu mon signe ? »,«Prenez le journal ! Regardez ! Je ne vais pas regarder le signe de tout le monde ! ».
Raymond DEVOS, Matière à rire, Éditions Plon, 1993

Sur Paris
Un amas confus de maisons.
Des crottes dans toutes les rues
Ponts, églises, palais, prisons
Boutiques bien ou mal pourvues.
Force gens noirs, blancs, roux, grisons
Des prudes, des filles perdues,
Des meurtres et des trahisons
Des gens de plume aux mains crochues.
Maint poudré qui n'a pas d'argent
Maint filou qui craint le sergent
Maint fanfaron qui toujours tremble,
Pages, laquais, voleurs de nuit,
Carrosses, chevaux et grand bruit
Voilà Paris que vous en semble ?
Paul SCARRON (1610-1660)

Au voleur !
HARPAGON. Il crie au voleur dès le jardin, et vient sans chapeau.
Au voleur ! au voleur ! à l'assassin ! au meurtrier ! Justice, juste Ciel! je suis perdu, je suis assassiné, on m'a coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu'est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N'est-il point là ? N'est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête. Rends-moi mon argent, coquin. (Il se prend lui-même le bras.) Ah ! c'est moi. Mon esprit est troublé, et j'ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas ! mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami ! on m'a privé de toi; et puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu mon support, ma consolation, ma joie; tout est fini pour moi, et je n'ai plus que faire au monde: sans toi, il m'est impossible de vivre. C'en est fait, je n'en puis plus; je me meurs, je suis mort, je suis enterré. N'y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m'apprenant qui l'a pris ? Euh ? que dites-vous ? Ce n'est personne.
[ … ]. Eh ! de quoi est-ce qu'on parle là ? De celui qui m'a dérobé ? Quel bruit fait-on là-haut ? Est-ce mon voleur qui y est ? De grâce, si l'on sait des nouvelles de mon voleur, je
supplie que l'on m'en dise. N'est-il point caché là parmi vous ? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu'ils ont part sans doute au vol que l'on m'a fait. Allons vite, des
commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des potences et des bourreaux. Je veux faire pendre tout le monde; et si je ne retrouve mon argent, je me pendrai moi-même après !
Molière. L’avare. Acte 4 - Scène 7
Bac et études littéraires : mon manuel "Analyse approfondie du poème"
Travail de fond sur l'écriture poétique, de l'élaboration à l'interprétation
